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et voila le roi et la reine
Cest Dans ma classe à moi, on fait comme ça. On y découvre l'album et les activités associées. On y range les enfants du tout petit roi : On y cherche les soldats du tout petit roi : Merci Maikraisssse ! Et voilà des idées supplémentaires. et un album complémentaire.
 Chant II. Le Triomphe des NĂšgres Le roi, de retour, surprend lâorgieQuand ils sont tous couchĂ©s dans le sĂ©rail immensedes jardins, les esclaves arrivent en nains porteurs de fruits, Ă©lĂšvent sur leurs tĂȘtesdes plateaux surchargĂ©s comme des jardins du le martĂšlement des porteurs dâamphoresle lourd tapis sanglant des roses pĂ©tales volent aux frappeurs de cymbales suivent ces serviteurset prĂ©cĂšdent encor des charmeurs de le vin, la senteur des chairs jeunes et chaudesfait bondir un Nubien au milieu du NĂšgre gris le suit, que rejoignent les autres et toutes leurs compagnes, Ă©pouses, esclaves couchĂ©s au milieu des coffrets, des oiseaux, des parfumsse reposent tandis que frĂ©nĂ©tiquementde plus en plusNĂšgres et favorites, ivres de toutes les joiestournoient dans la musique, qui rĂŽde en lourds effluveset grondentcomme un orage tout striĂ© de lueurs,comme dans une torride jungle, parfois Ă©clatele cristal frĂ©missant dâune goutte de barbares mĂ©lopĂ©esfiĂšvres, rĂąleschants dâamourexacerbent les dansesune odeur de sang tiĂšde apportĂ©e par le ventse mĂȘle Ă la transpiration des porteuses dâamphores roulent parmi les coupeset le vin rĂ©panduet les nains dans les fleursâŠShĂ©hĂ©razade debout, au centre de lâorgie,est nouĂ©e dans les bras puissants du nĂšgre dâoret tourne dans le tapis dansant des couleursdes deux cents favorites, quileurs voiles dĂ©ployĂ©sFlottent dans les fumĂ©es des parfums de haschichjettent vers les plafonds des vols de que tels des animaux fardĂ©sles nĂšgres foussecouent leurs bras chargĂ©s, leurs ventres cuirassĂ©shurlent et chantent et piĂ©tinentcomme sâils sâagitaient pour leur Ă©ternitĂ©. Chant III. Le massacre des favorites Tout Ă coup, derriĂšre la tenture dâAssyriedeux yeux noirs Ă©tonnĂ©s ont ne croyant plus au rĂȘve qui les mĂšneles brutes et les pĂąles danseuses se sont tus.Le roi et les janissaires sic se jettent sur eux, arme Ă la mainLaissant sur tapis les coupes et les fleurs, les coffrets, les collierstout le troupeau hagard recule pĂȘle-mĂȘle, en se rĂ©trĂ©cissantles femmes serrĂ©es entre NĂšgres haletants et crispĂ©sles esclaves Ă©crasĂ©sPromptle maĂźtre, dâun coup, lance dans ces chairs nuesson yatagansi affilĂ© quâil coupe sans heurtau vol, les cornes de gazellesâŠLes chasseurs rejoignent les danseuses les pieds aux reins des victimes surprisesarrachant les chevelures dont le hennĂ© dore leur courbe des lames sâĂ©teint dans les entrailles,Les seins dont le lait blanc rosit la chair coupĂ©ela lance heurte des dents fardĂ©es pour le sourireet perce avec effort les ventres frappent Ă la gorge sans mĂȘmeRegarder les yeuxsans mĂȘme ĂȘtre Ă©mus de lâamour⊠Chant IV. La mort de ShĂ©hĂ©razade 1 Michel Georges Michel, ShĂ©hĂ©razade, programme de lâOpĂ©ra, 1906. Seule ShĂ©hĂ©razade, au milieu du carnageest demeurĂ©e sur son coussin dâargentĂ©pouvantĂ©edeux janissaires jauneslĂšvent sur elle aigusles maĂźtreen caressant sa barbe oĂč sa lĂšvre trop rougese torddĂ©daigneuse du goĂ»t ou de la morta vu la prĂ©fĂ©rĂ©eâŠIl la regardeseule demeurĂ©e de toutes ses femmes aimĂ©esla tuerie est lui, elle se dresseles seins tremblants, la gorge pĂąle, les yeux closâŠIl regardsous ses paupiĂšres prolongĂ©es de longs cilserre sur le tapisoĂč palpitent encore des seinssous le frĂ©missement des voiles teintĂ©s de sâattendrit. VoilĂ son harem !A chacune il prend un souveniret sâattarde parfois sur des lĂšvres effroi il a vu !...Sur les trois courtisanes aux chairs dĂ©chiquetĂ©esle grand nĂšgre dorĂ© quâaime ShĂ©hĂ©razadesouritle nez saignant, les dents ouvertes, son poing serrantun peu dâĂ©toffe qui fut de sa ceintureâŠShahriar porte Ă ses yeux ses deux mains et attendâŠShĂ©hĂ©razade a compris, elle tourne la tĂȘte vers les couteaux dĂ©jĂ plus prĂšs de son cĆur viergeet sa nuque sauvage et brune se larmes dâamoursont deux ruisseaux clairs sur les roses de son le maĂźtre nâayant pas dĂ©tournĂ© la tĂȘtesoudain elle arrache Ă ses bourreaux un coup elle se frappe et se traĂźne aux pieds rougesdu superbe bras tombĂ©, la tĂȘte penche, le sein monteelle meurt. Tandis que la roideur du muscle fait frĂ©mirlâĆillet dâor tatouĂ© sur sa peau triomphaleâŠEt traĂźnant avec elle sur les roses foulĂ©esla musique finit comme le dernier orage de lâĂ©té⊠1 1Depuis la traduction dâAntoine Galland, Les Mille et une Nuits ne cessent dâĂȘtre une source fĂ©conde dâinspiration pour de nombreux Ă©crivains, poĂštes et artistes en Orient comme en Occident. LâĆuvre a ainsi fait rĂȘver les auteurs lecteurs occidentaux, excitĂ© leur imagination et inspirĂ© des formes artistiques et littĂ©raires variĂ©es comme la peinture, la musique, le théùtre ou lâopĂ©ra. 2Nous nous proposons dâanalyser ce poĂšme dans cette optique. Câest une vision dramatique qui se dĂ©gage Ă travers lâĆuvre de Michel Georges Michel, poĂšte, peintre et dessinateur français 1768-1843. Il sâinspire de lâĆuvre arabe et orientale pour crĂ©er ShĂ©hĂ©razade. Le poĂšme est composĂ© de trois chants intitulĂ©s successivement Le triomphe des nĂšgres, Le massacre des favorites, La mort de ShĂ©hĂ©razade ». La matiĂšre thĂ©matique qui sây fixe, non pas au hasard mais selon un schĂ©ma bien dĂ©terminĂ©, nous rĂ©vĂšle des traits spĂ©cifiques aisĂ©ment dĂ©celables sous des ajustements imposĂ©s par les circonstances. Il sâagit, en effet, dâune transposition du conte-cadre des Mille et une Nuits le retour du roi Shahriar qui surprend la tromperie de son Ă©pouse et de tout son harem avec des nĂšgres. Meurtri par la douleur et touchĂ© dans son honneur, ce dernier se venge dâune façon atroce. Nous assistons alors Ă un passage dâOrient en Occident avec toutes les transformations nĂ©cessaires pour rĂ©pondre au goĂ»t spĂ©cifique dâune Ă©poque et dâun espace. Le renvoi Ă un monde imaginaire soustrait aux rĂšgles bien Ă©tablies de lâunivers puise sa source dans une matiĂšre traditionnelle. Câest en corrĂ©lation avec lâĂ©mergence dâĆuvres sâinspirant des Nuits que lâopĂ©ra de notre auteur prendra racine. 3Ă partir du deuxiĂšme chant, Michel Georges Michel nous rĂ©vĂšle une image dâun Orient rĂȘvĂ©. Cette image se manifeste Ă travers lâambiance festive de lâorgie. DĂ©finie comme une partie de dĂ©bauche et de plaisir licencieux, lâorgie est un phĂ©nomĂšne social oriental qui sâattache Ă la classe aisĂ©e. Il est question dans cette transposition dâune fureur gĂ©nĂ©sique qui dĂ©passe les simples limites affabulatrices » des contes. Elle ne relĂšve dâaucun registre de morale ou de transgression connu dans le monde arabo-islamique. 4Deux transgressions parcourent le poĂšme, la premiĂšre est une transgression de lâinterdit, le zinĂą, pĂȘchĂ© Ă caractĂšre sexuel et lâautre transgression du rapport sexuel conventionnel, lâorgie. Les deux sont bannies et interdites dans toutes les civilisations humaines. Lâorgie se veut ici " anti-systĂšme, contre ordre et nĂ©gation des vertus" Ă©lĂ©mentaires qui fondent la morale sociale. Câest en fait un aspect de libertĂ© qui se dĂ©gage de ces transgressions. Une libertĂ© qui donne un dynamisme ardent, un frĂ©missement vital incomparable. Non pas un esprit de rĂ©volte, mais une gĂ©nĂ©rositĂ© Ă lâĂ©gard de cette femme-reine. Câest aussi un dĂ©part pour une Ćuvre dramatique. 5Le poĂšte nous peint une orgie en dĂ©crivant minutieusement la fĂȘte privĂ©e organisĂ©e par la reine au sein du harem. Le cadre spatial rĂ©pond Ă ce clichĂ© dâun Orient immensĂ©ment riche Le sĂ©rail immense, le jardin, les plateaux surchargĂ©s, les tapis. » oĂč le luxe et la voluptĂ© sont les deux maĂźtres mots. Un grand nombre dâesclaves deux cents » mĂąles et femelles, les mĂąles nâĂ©tant pas des eunuques, est indispensable au bon dĂ©roulement de lâorgie. 6Tous les ingrĂ©dients de lâorgie sont rĂ©unis le palais, le nombre dâhommes et de femmes, leur Ă©gale jeunesse, leur disponibilitĂ©, lâappĂ©tit miraculeux dont ils font preuve, tous ces Ă©lĂ©ments situent le poĂšme dans un territoire autre » celui de lâanomie, de la contestation et du dĂ©passement ». 7Le caractĂšre grandiose du lieu ouvert reflĂšte lâabsence de limites. Tout est permis dĂšs lâinstant oĂč nous sommes en prĂ©sence dâun cadre royal ou de classe aisĂ©e. Le statut princier ou nobiliaire des participants ou des organisateurs joue un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans la rĂ©alisation et le dĂ©roulement des festivitĂ©s. 8Cette idĂ©e se dĂ©gage aussi Ă travers lâexagĂ©ration de la fĂȘte orgiaque Les nains, porteurs de fruits, Ă©lĂšvent sur leurs tĂȘtes des plateaux surchargĂ©s / les pĂ©tales volent aux chevilles / le vin, la senteur de la chair jeune et chaude, nĂšgres, favorites, ivres de toutes les joies⊠. 9Lâorgie prĂ©sente ainsi un trait singulier la fascination de la durĂ©e de copulation. Image allusive au fait que les mĂąles et les femelles qui sont conviĂ©s Ă de telles ripailles ont des capacitĂ©s gĂ©nĂ©siques qui dĂ©passent la moyenne. Lâambiance, exagĂ©rĂ©e, nous donne lâimpression dâĂ©merger dâun rĂȘve qui cherche Ă se dĂ©finir par rapport au monde oriental paradisiaque. La dĂ©mesure gustative renforce lâidĂ©e de lâexcĂšs plateaux surchargĂ©s [comparĂ©s aux] jardins du ciel ». Ces lieux renvoient aux jardins de Babylone, symbole de la richesse orientale et du faste par excellence. Lâimage de la luxure caractĂ©rise cet univers orgiaque qui Ă©voque un plaisir double. Au plaisir de la vue des espaces splendides et harmonieux sâajoute le plaisir olfactif relatif Ă lâodeur des parfums et des pĂ©tales de roses ». Mais ce plaisir ne tarde pas Ă se transformer en une odeur de sang tiĂšde apportĂ©e par le vent [qui] se mĂȘle Ă la transpiration des roses ». Ce mĂ©lange entre le plaisir sexuel, le plaisir visuel et olfactif est trĂšs vite sanctionnĂ© car il est interdit et dĂ©couvert. Il est aussi sanctionnĂ© car la dĂ©mesure et lâexcĂšs ne sont pas permis. Le poĂšte focalise sur cette ivresse charnelle non seulement de la reine mais aussi de ses esclaves pour montrer Ă quel point le personnage de la reine sâabaisse pour assouvir un plaisir Ă©phĂ©mĂšre. 10Lâimage de la nuditĂ© et les senteurs des chairs jeunes et chaudes » montre le personnage dans un Ă©tat dâanimalitĂ©. Cette image montre la femme comme personnage de dĂ©bauche qui ne cherche que le plaisir instantanĂ©. 11La nuditĂ© est un Ă©tat antinomique par excellence. Il sâagit de lâĂ©vocation des tabous vestimentaires touchant dĂ©jĂ Ă la sociĂ©tĂ©. La levĂ©e des tabous a une signification de dĂ©chaĂźnement des forces primordiales, seule condition de recomposition et de renouveau. 12Michel Georges Michel dĂ©crit un univers paradisiaque, imaginaire et rĂȘvĂ© relatif Ă lâOrient. Cet univers va se transformer en bain de sang puisque la morale sociale nâadmet aucun excĂšs et surtout pas le plaisir de la chair. 13Cette fĂȘte orgiaque qui reflĂšte la luxure met aussi lâaccent sur le statut que prennent les nĂšgres. Elle est bannie car elle est initiĂ©e par une femme, une reine avec ses esclaves et ses odalisques. Le coup dâenvoi donnĂ© par la reine remet en question lâordre sexuĂ© masculin. En fait lâhabitude ne peut ĂȘtre quâun alibi Ă la jouissance masculine, elle doit se contenir dans tout temps et tout lieu. Lorsque lâhomme conjoint sexuellement plusieurs femmes, ce nâest ni un pervers ni un dĂ©bauchĂ© ; lorsque la femme Ă©prouve un appĂ©tit sexuel plus fort, elle ne peut ĂȘtre quâune nymphomane, quâune possĂ©dĂ©e, jamais possĂ©dante. 14La prĂ©sence des nĂšgres, au centre du tableau, est significative Un Nubien au centre du tapis » ils prennent la place du roi. Le nĂšgre dâor » paraĂźt comme le prĂ©fĂ©rĂ© de la reine, sa couleur est rehaussĂ©e pour le distinguer des autres nĂšgres gris » ; il est de ce fait plus gai, plus lumineux. Câest une valorisation dâun personnage gĂ©nĂ©ralement rabaissĂ©, qui sâaccentue par le triomphe » de ces nĂšgres. Ils participent Ă crĂ©er une atmosphĂšre perfide, dĂ©sĂ©quilibrĂ©e par le rĂŽle quâils occupent. Leur triomphe » les dĂ©barrasse de cette image dĂ©gradante qui leur colle Ă la peau ; ils prennent la place de personnages nobles et ayant un pouvoir ; câest ainsi quâils sont ivres de toutes les joies, exacerbent les danses, flottent dans les fumĂ©es des parfums de haschich » 15LâexcĂšs de dĂ©bauche, lâorgie et lâĂ©rotisme rendent compte de la relation quâentreprend ShĂ©hĂ©razade avec les nĂšgres. Lâauteur met en relief la croyance en la puissance sexuelle des nĂšgres et il sâinspire ainsi de la littĂ©rature arabe et des Mille et une Nuits pour renforcer cette image et ce triomphe » dans le deuxiĂšme chant. 16Ce triomphe » est provisoire. Il est vite brisĂ© par lâentrĂ©e en scĂšne du roi Shahriar. La locution adverbiale tout Ă coup » renverse les situations et oppose les rĂ©actions ; le rythme sâaccĂ©lĂšre, les phrases sont courtes, parfois monosyllabiques, les verbes dâaction sâenchaĂźnent lance, coupe, perce⊠». Ce dĂ©nouement se fait par la dĂ©cision attendue et prĂ©visible du roi. 17La rupture avec lâambiance festive et heureuse est immĂ©diate la scĂšne du massacre commence. Le changement brusque de situation se perçoit dans le passage dâun Ă©tat dâĂ©merveillement, dâivresse et dâagitation Ă un silence DĂ©jĂ ne croyant au rĂȘve qui les mĂšne / les brutes et les pĂąles danseuses se sont tus ». Les images de luxe et de luxure cĂšdent la place Ă un tapis sanglant ». 18La trahison de ShĂ©hĂ©razade, femme et reine, appelle la vengeance du roi. Il sâagit dâun massacre collectif des danseuses et des esclaves. Tous les acteurs doivent disparaĂźtre pour ne pas laisser de tĂ©moin. Il faut tout anĂ©antir pour ne pas laisser de trace vivante de ce dĂ©shonneur. A lâaide de ses janissaires », le roi a exterminĂ© tout le groupe. 19Lâimage est terrible. Il sâagit aussi dâun excĂšs dans la vengeance. Par ce bain de sang, lâauteur joue sur la sensibilitĂ© du lecteur et du spectateur puisquâ il sâagit dâun opĂ©ra. Câest une image de la mort qui se manifeste Ă travers la chair coupĂ©e, la courbe de lames qui sâĂ©teint dans les entrailles ». 20La focalisation sur la description minutieuse des organes sexuels est symbolique Le maĂźtre, dâun coup, lance dans ces chairs nues son yatagan / si affilĂ© quâil coupe sans heurt au vol, les cornes de gazelles [âŠ] Les seins dont le lait blanc rosit la chair coupĂ©e ». 21Le roi extĂ©riorise ainsi sa rancune et extrapole les organes du mal. Il cherche Ă laver son honneur de mari cocu et Ă effacer toute trace de salissure en tranchant les organes du mal. 22MalgrĂ© sa beautĂ©, sa tendresse et la noblesse de son Ăąme, le roi est trompĂ© par sa propre Ă©pouse et tout son harem, ce qui confĂšre Ă la femme, reprĂ©sentĂ©e par ShĂ©hĂ©razade, un caractĂšre pervers et ignoble. Elle brave ainsi tous les codes moraux et religieux. 23La trahison de la reine crĂ©e un sentiment de frustration chez le roi qui met tout son effort dans lâextermination du mal. 24Cette rĂ©action est une consĂ©quence Ă lâacte de son Ă©pouse qui le dĂ©valorise aux yeux de tout le monde et surtout aux yeux des nĂšgres. Câest la rĂ©action lĂ©gitime de lâhomme, du mari tiraillĂ© entre son amour propre et sa passion. 25Il tue tout le monde sauf la reine qui occupe encore le centre de la scĂšne. Son hĂ©sitation Ă tuer ShĂ©hĂ©razade reflĂšte le dĂ©chirement entre lâhomme et lâamoureux. 26Le roi se sent sali du triomphe des nĂšgres et le sourire du grand nĂšgre dorĂ© quâaime ShĂ©hĂ©razade » accentue son humiliation . "Lâobjet" dâamour de la reine qui ne se rattache Ă aucun code moral ni social met le roi en position dĂ©licate, une position dâinfĂ©rioritĂ©, une position dĂ©gradante créée par sa propre Ă©pouse. Le sourire esquissĂ© montre la joie maligne quâĂ©prouve ce personnage au moment de rendre lâĂąme, comme sâil voulait montrer au roi quâenfin, il pouvait mourir heureux dâavoir possĂ©dĂ© sa reine. 27Le roi joue ici la seule possibilitĂ© que lui a laissĂ©e la reine ; il nâavait aucun autre choix que celui quâil a entrepris. 28Le suicide de ShĂ©hĂ©razade qui arrache Ă ses bourreaux un poignard » symbolise le triomphe de cette derniĂšre sur le roi, sur lâhomme. Elle choisit de se tuer par ses propres mains et rejoint ainsi son nĂšgre dâor ». 29Dans ces tableaux confus, ShĂ©hĂ©razade nâest Ă©voquĂ©e que vers la fin. Toutefois elle occupe la place centrale. Debout, au centre de lâorgie », elle » est nouĂ©e dans les bras puissants du nĂšgre dâor / et tourne dans le tapis dansant des couleurs / des deux cents favorites ». Cette mise en scĂšne théùtrale met en valeur ShĂ©hĂ©razade, seul personnage nommĂ© dans le poĂšme. Sa posture debout », les tapis » rehaussĂ©s de couleurs, et le nombre de femmes qui ont rĂ©pondu Ă lâappel de la reine soulignent son rĂŽle important dans lâorganisation et le bon dĂ©roulement de la fĂȘte. Cette image nâest pas diffĂ©rente de celle des Mille et une Nuits en ce sens que la charpente des contes, le contenu des histoires, la dĂ©livrance du royaume de lâinjustice du roi incombent au personnage principal, ShĂ©hĂ©razade. Elle a toujours jouĂ© le rĂŽle de maĂźtresse, de celle qui dĂ©tient son destin en main. 30Mais, il ne sâagit que dâune transposition littĂ©raire du conte-cadre de lâoeuvre orientale en donnant Ă ShĂ©hĂ©razade le rĂŽle de la reine, premiĂšre femme du roi. Si dans les Nuits, ShĂ©hĂ©razade est la conteuse qui met son intelligence au service de ses congĂ©nĂšres, si elle incarne lâimage de la femme vertueuse, elle devient ici le symbole du charme, de la sensualitĂ© et surtout de la perfidie et de la perversion. Elle sâapparente Ă un signifiant vidĂ© de son sens et auquel on attribue une nouvelle signification. 31Elle devient lâincarnation du plaisir nouĂ©e dans les bras puissants du nĂšgre dâor », lâimage de la femme dĂ©bauchĂ©e et corrompue qui ne cherche que le plaisir de la chair. Ă lâempereur superbe et beau », elle choisit le nĂšgre dâor » symbole de la puissance sexuelle et de lâanimalitĂ© qui se substitue Ă lâesclave noir » dans lâĆuvre originale. 32Elle organise une fĂȘte orgiaque en lâhonneur des nĂšgres oĂč le plaisir de la bouche se mĂȘle au plaisir sexuel. Elle choisit un nĂšgre exceptionnel, le nĂšgre dâor » pour tromper le roi. 33Apparemment, ShĂ©hĂ©razade de Michel Georges Michel nâa rien Ă voir avec celle des Nuits. Cependant elle est aussi distinguĂ©e par sa beautĂ©, par la place quâelle occupe dans la scĂšne, le centre ». Elle assiste aussi au massacre et choisit de mettre fin Ă ses jours par ses propres mains. Le poĂšte lui garde un caractĂšre exceptionnel qui la distingue des autres. 34Elle est la seule survivante face Ă laquelle les janissaires hĂ©sitent ». Shahriar porte Ă ses yeux ses deux mains et attend », touchĂ© dans son honneur, blessĂ©, le roi ne peut voir le spectacle. 35Le poĂšte semble reprendre Ă son goĂ»t et au goĂ»t de son Ă©poque le conte-cadre des Mille et une Nuits qui raconte la trahison de la femme du roi Shahriar. Ce dernier dĂ©cide de se venger de toutes les femmes et câest ShĂ©hĂ©razade qui se propose » pour sauver son sexe. Dans ce poĂšme, ShĂ©hĂ©razade est substituĂ©e Ă la reine. Elle devient un personnage littĂ©raire Ă part entiĂšre, un personnage mythique. La scĂšne de la tuerie semble ĂȘtre un prĂ©texte au lyrisme mais aussi au pathĂ©tique et au dramatique. Il faut punir la femme coupable dâadultĂšre. Tel est le cas dans toutes les civilisations humaines. Et pour garder le cĂŽtĂ© mythique de ce personnage, Michel Georges Michel lui laisse le soin de choisir sa fin. 36Il convient de mettre en Ă©vidence, au terme de ce travail, une interpĂ©nĂ©tration de culture orientale et occidentale par le biais dâun personnage hors du temps, ShĂ©hĂ©razade, inventĂ©e par un conteur anonyme, dĂ©couverte par un traducteur occidental et remise en scĂšne par des Ă©crivains talentueux. On peut donc conclure que lâexotisme de ShĂ©hĂ©razade, sâil nâest pas destinĂ© Ă crĂ©er une atmosphĂšre orientalisante gratuite, nâest pas davantage un badigeon superficiel fait pour amuser le public. Le poĂšme a une portĂ©e dans lâordre des idĂ©es de son temps. Ce poĂšme ne serait-il pas une rĂ©flexion sur la relation du couple homme-femme et sur la condition de leur coexistence ?
LeRoi lion et sa fille. Interprété par Rebecca Kompaoré avec les voix de Charles Kouhoury, Reine Leticia Azi, Vincent Kouamé, Jean-Marc Kouasi Kouadio. Musique : Jean Sempé Ake Olloé
La reine mĂšre Ălisabeth rend visite aux enfants des quartiers populaires de Londres pendant les bombardements en 1940. Ho New/Reuters Bien sĂ»r, au premier coup d'oeil, le clichĂ© est troublant. Consternant mĂȘme. En couverture du quotidien The Sun, la duchesse d'York, future reine consort Ălisabeth, ses filles Ălizabeth et Margaret, encouragĂ©es par le prince de Galles, futur Ădouard VIII, font le salut nazi. Et la photographie, de mĂ©diocre qualitĂ©, s'accompagne de ce titre racoleur Their Royal Heilnesses Leurs Heiltesses Royales. Un mĂ©chant jeu de mots substituant le "Al" d'altesses au "Heil" du salut hitlĂ©rien. L'image est tirĂ©e d'un petit film de 17 secondes, tournĂ© devant le manoir de Birkhall, sur le domaine royal de Balmoral, en 1933, probablement par le futur George VI. Ă y regarder de plus prĂšs, il est clair que la duchesse d'York et les princesses, 6 et 3 ans, qui trĂ©pignent et sautent de joie, se livrent Ă une parodie. Et il convient de replacer la scĂšne dans son contexte historique. Ă cette Ă©poque, le parti national-socialiste vient de remporter les Ă©lections lĂ©gislatives, et Adolf Hitler accĂšde, dĂ©mocratiquement, au poste de chancelier de la rĂ©publique de Weimar. Sur la pellicule, Ălisabeth et ses filles se moquent probablement des rodomontades du nouveau leader nazi, comme le feront Charlie Chaplin, en 1940, dans Le dictateur, et Ernst Lubitsch, en 1942, dans To Be or Not to Be. Personne, ou presque, ne veut alors envisager la guerre. La jeune duchesse Ălisabeth, qui a perdu son frĂšre Fergus Ă la bataille de Loos, en 1915, moins encore qu'une autre. Devenue reine au cĂŽtĂ© de George VI, en dĂ©cembre 1936, elle saura pourtant s'y prĂ©parer avec courage et abnĂ©gation. Pour combattre son ennemi, il faut le connaĂźtre. Elle se procure une version intĂ©grale du Mein Kampf d'Hitler, et pas l'Ă©dition expurgĂ©e des thĂšses antijuives qui circule alors au Royaume-Uni. Elle analyse l'ouvrage dont elle fait parvenir un exemplaire Ă lord Halifax, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres, en lui recommandant de ne pas trop s'y attarder "Sinon, vous allez devenir fou, ce qui serait dommage. Le feuilleter suffit Ă donner une bonne idĂ©e de sa mentalitĂ©, de son ignorance et de son Ă©vidente sincĂ©ritĂ©." MalgrĂ© les bombardements, Ălisabeth refuse de quitter LondresĂlisabeth est auprĂšs de George VI, le 3 septembre 1939, devant le poste de radio, quand Neville Chamberlain annonce l'entrĂ©e en guerre du Royaume-Uni. "Je n'ai pu empĂȘcher mes larmes de couler, mais nous comprenions tous les deux que c'Ă©tait inĂ©vitable, que si nous voulions que la libertĂ© demeure dans notre monde, nous devions affronter la cruelle foi nazie, nous dĂ©barrasser de ce cauchemar continu... Pendant que tout cela nous venait Ă l'esprit, soudain l'horrible hurlement des sirĂšnes d'alarme se fit entendre. Nous nous sommes regardĂ©s le roi et moi, disant ça ne peut pas ĂȘtre ça, mais si, ça l'Ă©tait, et le coeur battant nous sommes descendus dans l'abri, au sous-sol. MĂ©dusĂ©s, horrifiĂ©s, nous avons attendu que tombent les bombes." Offre limitĂ©e. 2 mois pour 1⏠sans engagement La tempĂȘte de feu de la Luftwaffe mettra encore une annĂ©e avant de s'abattre sur Londres. Mais le terrible Blitz, qui durera de septembre 1940 Ă mai 1941, dĂ©vastera alors la capitale. Les quartiers populaires de l'Est, le palais de Westminster, la cathĂ©drale Saint-Paul et mĂȘme la chapelle de "ce cher vieux Buckingham" sont touchĂ©s. Mais cette derniĂšre attaque, loin d'abattre la reine Ălisabeth, renforce encore sa dĂ©termination "Finalement, je suis assez contente, maintenant je peux regarder les gens de l'East End en face." Et quand les officiels lui conseillent de mettre ses filles Ă l'abri, loin du danger, elle rĂ©pond impassible "Les enfants ne partiront pas sans moi. Il m'est impossible de laisser le roi. Et le roi ne partira jamais !" Ălisabeth, la reine mĂšre, et Sir Winston New/ReutersPlus les bombardements s'intensifient, plus la reine s'active. Aux enfants rescapĂ©s du bombardement d'une Ă©cole, elle distribue les bananes rapportĂ©es de Casablanca, par lord Mountbatten, pour ses propres filles. "La vue de ces petits visages, si mignons, torturĂ©s pour les besoins de propagande nazie, m'a rendue plus dĂ©terminĂ©e que jamais Ă dĂ©truire ces Ă©pouvantables Boches. Je grince des dents de rage." VĂȘtue de tons beige clair, rose poudrĂ© ou bleu lavande, son "arc-en-ciel de l'espoir", jamais de noir jugĂ© trop dĂ©faitiste et anxiogĂšne, elle sillonne les villes et les faubourgs dĂ©vastĂ©s. Toujours souriante, pleine d'espoir et de courage. Ă sa soeur Mary, lady Elphinstone, elle avoue pourtant "J'ai toujours aussi peur des bombes et des canons qu'au dĂ©but. Je deviens rouge brique et mon coeur bat, en fait je suis une lĂąche, mais comme je suis sĂ»re qu'un tas de gens le sont, ça m'est Ă©gal ! Bon, chĂ©rie, je dois arrĂȘter... et Ă bas les nazis !" Mais son combat psychologique fonctionne. Au point d'anĂ©antir les effets de la campagne de dĂ©moralisation orchestrĂ©e par l'ennemi. Pour Hitler, qui en perd le sommeil, elle est devenue, dĂšs 1942, "la tĂȘte Ă abattre". Et de son propre aveu "La femme la plus dangereuse d'Europe !" "Plus dĂ©terminĂ©e que jamais Ă dĂ©truire ces Ă©pouvantables Boches !" Mariage de la princesse Elizabeth, future reine Elizabeth II, et Philip Mountbatten -en tenue d'officier de la Royal Navy britannique- le 20 novembre "sang allemand" du prince Philip Ă la suite des "rĂ©vĂ©lations" du journal The Sun, plusieurs mĂ©dias britanniques s'engouffrent dans la polĂ©mique en rappelant les origines allemandes du duc d'Ădimbourg. Le prince Philip, qui s'est distinguĂ© dans la Royal Navy durant la Seconde Guerre mondiale, est effectivement le fils de la princesse AndrĂ© de GrĂšce et de Danemark, nĂ©e Alice von Battenberg. Seulement voilĂ , la mĂšre du futur duc d'Ădimbourg, loin de collaborer avec ses "compatriotes" aprĂšs l'invasion de la GrĂšce par les forces de l'Axe, en 1941, va se consacrer sans relĂąche au secours des AthĂ©niens, comme infirmiĂšre et mĂȘme cantiniĂšre. Quand les rafles dĂ©buteront, conduisant Ă la dĂ©portation de 60 000 des 75 000 Juifs de la capitale, elle cachera Ă son domicile madame Rachel Cohen et deux de ses cinq enfants. Disparue en 1969, la princesse a Ă©tĂ© honorĂ©e par le ComitĂ© Yad Vashem du titre de "Juste parmi les nations". Elle repose au couvent Sainte-Marie-Madeleine de JĂ©rusalem, sur le mont des oliviers. Les plus lus OpinionsTribunePar Carlo Ratti*ChroniquePar Antoine BuĂ©no*ChroniqueJean-Laurent Cassely
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et voila le roi et la reine